Par le Prince Joël Tchassom
Et de prospective politique
Efssayiste Et objecteur de conscience.
Introduction : La Décentralisation, Promesse et Péril
La décentralisation, consacrée par la Loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées (CGCTD), représente une pierre angulaire du développement et de la démocratie au Cameroun. Elle vise à rapprocher la gouvernance des citoyens, à stimuler le développement local et à renforcer la bonne gouvernance à la base. En transférant des compétences et des moyens appropriés de l’État aux collectivités territoriales, la décentralisation est conçue comme l’axe fondamental de promotion du développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif au niveau local.
Cependant, l’expérience de nombreuses communes, dont Banka pourrait être une illustration emblématique, révèle que cette promesse est souvent minée par des défaillances graves de gouvernance. Ces « fautes » locales, loin d’être isolées, se répercutent sur l’ensemble du tissu national, faisant peser de lourdes « menaces » sur l’unité, la stabilité et le développement du Cameroun. Cette tribune se propose d’analyser ces manquements et leurs implications profondes, en appelant à une prise de conscience et à une action résolue pour que la décentralisation puisse enfin tenir sa promesse.
I. Les Fautes du Maire de Banka : Une Trahison des Principes de la Décentralisation
Les maires, en tant que chefs de l’exécutif communal, sont les garants de la bonne gestion des affaires locales. Le CGCTD leur confère des pouvoirs étendus, notamment la représentation de la commune dans les actes de la vie civile et en justice, la gestion des propriétés, la préparation du budget, la direction des travaux communaux et l’exécution des délibérations du Conseil Municipal. Toutefois, ces pouvoirs s’accompagnent d’obligations strictes. Les manquements à ces obligations constituent des fautes graves qui sapent les fondements de la décentralisation.
A. Manquements aux Obligations de Transparence et de Redevabilité
Le cadre juridique camerounais, notamment le CGCTD, établit des exigences claires en matière de transparence et d’accès à l’information pour les collectivités territoriales. Tout habitant ou contribuable d’une collectivité territoriale a le droit de demander communication ou de prendre copie des procès-verbaux des organes délibérants, des budgets, des projets et rapports annuels de performance, des plans de développement, des comptes ou des arrêtés. De plus, ces documents doivent être publiés sur le site électronique de la collectivité et déposés à son siège pour consultation. Le budget approuvé et le compte administratif doivent également être publiés et consultables par tous.
Cependant, les rapports d’organisations comme Transparency International soulignent des « préoccupations concernant l’efficacité de la gouvernance dans la gestion des ressources publiques, y compris l’argent des contribuables ». Cette observation met en lumière un écart significatif entre la lettre de la loi et la pratique sur le terrain. Le législateur camerounais a clairement posé les bases d’une gouvernance transparente à travers le CGCTD. La réalité, telle que dépeinte par les rapports internationaux, montre une défaillance systémique dans l’application de ces dispositions. Cela signifie que la faute ne réside pas dans l’absence de normes, mais dans leur non-respect ou l’absence de mécanismes d’application efficaces. L’information, bien que légalement accessible, reste souvent opaque dans la pratique, rendant le contrôle citoyen difficile et favorisant l’opacité.
Le maire est également tenu de préparer le budget en se référant aux résultats des consultations citoyennes. Il doit informer le Conseil Municipal du contenu de tout courrier que le représentant de l’État souhaite porter à sa connaissance. Le Conseil Municipal doit être tenu informé de l’état d’avancement des travaux et actions financés par la Commune. Le non-respect de ces obligations de consultation citoyenne et d’information du Conseil Municipal transforme la décentralisation en une coquille vide. L’esprit de la décentralisation est de promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance au niveau local. Si les citoyens ne sont pas consultés et n’ont pas accès aux informations sur la gestion de leur commune, leur droit fondamental à participer à la conduite des affaires publiques est bafoué. Cela crée un fossé entre les élus et les administrés, sapant la légitimité des actions municipales et la redevabilité du maire.
Le tableau ci-dessous illustre les obligations de transparence du maire selon le CGCTD et les risques de manquement associés :
Obligation Légale (Article CGCTD)
Description de l’Obligation
Risque de Manquement
Conséquences Potentielles
Art. 40 al. 2 et 3, Art. 471 al. 3 et 4
Droit de communication/copie des PV, budgets, rapports; Publication du budget et du compte administratif.
Refus d’accès à l’information, non-publication, publication tardive ou incomplète.
Opacité de la gestion, entrave au contrôle citoyen, violation du droit à l’information.
Art. 416 al. 2
Préparation du budget en se référant aux consultations citoyennes.
Ignorance des besoins de la population, décisions unilatérales.
Budget non aligné sur les priorités locales, désengagement citoyen.
Art. 83 al. 2, Art. 167 al. 5
Information du Conseil Municipal sur les communications de l’État et l’avancement des travaux.
Manque de transparence envers l’organe délibérant, entrave à son rôle de contrôle.
Décisions non éclairées du Conseil, mauvaise allocation des ressources.
B. Gestion Budgétaire Douteuse et Non-Respect des Procédures Financières
La gestion budgétaire des communes est encadrée par des principes stricts visant à garantir l’efficacité et la légalité des dépenses. Le CGCTD impose des ratios pour les dépenses des communes : les dépenses d’investissement doivent être au minimum de 40% des dépenses totales, et les dépenses de personnel ne doivent pas excéder 35% des dépenses de fonctionnement. Ces règles visent à assurer que les ressources sont principalement allouées au développement et que la masse salariale reste maîtrisée.
Le budget doit être voté et approuvé avant le début de l’exercice budgétaire. Un recours abusif aux douzièmes provisoires, bien que légalement prévu pour assurer la continuité des services en cas de non-vote du budget , est le signe d’une défaillance grave dans la gestion et la planification. Si une commune opère fréquemment sous ce régime, cela indique un échec soit dans la planification budgétaire (manque de compétences, de données), soit dans le processus politique (blocage entre l’exécutif et le délibérant), soit une volonté délibérée d’éviter le contrôle du budget annuel. Cela compromet la prévisibilité financière, la planification des investissements et, finalement, la capacité de la commune à assurer son développement.
Les rapports du FMI et de la Banque Mondiale soulignent des « vulnérabilités dans la gestion des finances publiques » au Cameroun, notamment une « part élevée des allocations de dépenses manquant de spécificité et de transparence, et l’utilisation fréquente de procédures exceptionnelles (ce qui crée des opportunités de mauvaise gestion des fonds publics et des goulots d’étranglement dans l’exécution du budget) ». Ces observations, bien que nationales, s’appliquent directement au niveau local, indiquant que les « fautes » du maire de Banka peuvent être symptomatiques de problèmes plus profonds. Le cadre légal du CGCTD est précis sur la gestion budgétaire. Cependant, les évaluations des institutions financières internationales révèlent des lacunes persistantes dans l’exécution budgétaire et la gestion des marchés publics. Cela suggère que les problèmes ne sont pas seulement liés à la connaissance ou à la volonté individuelle du maire, mais aussi à des faiblesses structurelles dans le système de gestion des finances publiques locales, ou à un manque de contrôle externe efficace, ce qui rend les communes vulnérables à la mauvaise gestion.
En matière de marchés publics, le maire est l’ordonnateur du budget et doit respecter les procédures de passation des marchés. Le Code des Marchés Publics exige la disponibilité du financement et des études préalables avant le lancement des consultations. Les dépenses doivent être engagées et payées dans les limites des crédits votés et des fonds disponibles. Des irrégularités dans ce domaine peuvent entraîner des surcoûts, des retards dans la réalisation des projets et, dans les cas les plus graves, des détournements de fonds.
Le tableau suivant récapitule les principes budgétaires et les conséquences de leur non-respect :
Principe Budgétaire (Article CGCTD)
Description du Principe
Manifestation de la Faute
Impact sur la Commune/Cameroun
Art. 377
Équilibre budgétaire (Recettes = Dépenses)
Budget déséquilibré, dépenses excessives.
Accumulation de dettes, instabilité financière.
Art. 379, 422
Antériorité (Budget voté et approuvé avant l’exercice)
Vote ou approbation tardive, recours systématique aux douzièmes provisoires.
Incertitude financière, paralysie des services, mauvaise planification des projets.
Art. 378
Spécialisation des crédits (Crédits pour objet déterminé)
Détournement de fonds, utilisation des crédits pour des objectifs non prévus.
Non-réalisation des projets prioritaires, inefficacité des dépenses.
Art. 417
Respect des ratios (Min. 40% investissement, Max. 60% fonctionnement, Max. 35% personnel)
Sous-investissement, gonflement des dépenses de fonctionnement, masse salariale excessive.
Frein au développement local, poids financier insoutenable.
Art. 444, 446
Légalité des dépenses et respect des procédures de marchés publics
Dépenses non justifiées, marchés publics irréguliers, surcoûts.
Gaspillage des deniers publics, corruption, projets non réalisés ou de mauvaise qualité.
C. Ignorance du Rôle du Conseil Municipal et Atteinte à la Démocratie Locale
Le CGCTD établit un équilibre des pouvoirs entre l’exécutif (le maire) et le délibérant (le Conseil Municipal). Le Conseil Municipal est l’organe délibérant de la Commune et est chargé de régler ses affaires par délibérations. Il exerce un contrôle sur l’exécution du budget et des programmes. Le maire doit exécuter les délibérations du Conseil Municipal.
Le maire est tenu de convoquer le Conseil Municipal en session ordinaire une fois par trimestre. Des délais précis de convocation doivent être respectés. En cas de défaillance du maire, le représentant de l’État peut se substituer à lui pour la convocation. Les manquements du maire dans la convocation, l’information et le respect des prérogatives du Conseil ne sont pas de simples erreurs procédurales ; ils représentent une subversion délibérée des mécanismes de contrôle et de la démocratie locale. La décentralisation vise à renforcer la démocratie à la base par l’élection d’organes locaux. Si le maire, l’organe exécutif, entrave délibérément le fonctionnement de l’organe délibérant, il concentre de fait le pouvoir, vidant de son sens la participation citoyenne et le contrôle démocratique. Cela crée un système où les décisions ne sont plus collégiales et transparentes, mais potentiellement arbitraires et opaques.
Le Conseil Municipal peut déléguer une partie de ses attributions au maire, mais certaines matières sont exclues de cette délégation, notamment les documents de planification urbaine, les plans de développement, le budget, la création d’équipements collectifs d’intérêt communal, la gestion du domaine communal, la fixation des taxes, les emprunts et les projets de jumelage. De plus, un compte doit être rendu au Conseil à l’expiration de la délégation. Des délégations excessives ou non suivies de comptes rendus constituent une violation de ces principes.
Les fautes graves du maire, notamment l’impossibilité durable de fonctionner normalement ou l’atteinte à la sécurité de l’État, peuvent entraîner la suspension ou la dissolution du Conseil Municipal par le Président de la République ou le Ministre chargé des Collectivités Territoriales. Ces mesures, bien que légales, sont des signes d’un échec de la gouvernance locale. La suspension ou la dissolution d’un conseil municipal est une mesure de dernier recours prise par l’État. Si ces interventions deviennent fréquentes, cela indique que les mécanismes internes de correction des « fautes » du maire sont inopérants, ou que les fautes sont d’une gravité telle qu’elles menacent l’ordre public ou la sécurité de l’État. Cela fragilise l’autonomie des collectivités territoriales et peut être perçu comme une ingérence de l’État central, même si elle est justifiée par la loi.
Le tableau ci-dessous illustre les atteintes à la démocratie locale et leurs conséquences :
Type de Manquement
Article CGCTD
Impact sur le Conseil Municipal
Impact sur la Démocratie Locale
Non-convocation ou convocation irrégulière du Conseil
Art. 171, 172, 173
Paralysie des délibérations, non-respect des délais légaux.
Centralisation du pouvoir, contournement de l’organe délibérant.
Refus d’exécuter les délibérations du Conseil
Art. 206
Inefficacité des décisions du Conseil, conflit exécutif/délibérant.
Affaiblissement du rôle du Conseil, perte de légitimité.
Délégations de pouvoir excessives ou non-rendu de compte
Art. 169, 207
Perte de contrôle du Conseil sur des matières essentielles.
Opacité des décisions, risque d’abus de pouvoir.
Obstruction au contrôle du Conseil Municipal
Art. 167, 484
Entrave à la vérification de la gestion budgétaire et des programmes.
Manque de redevabilité, favorise la mauvaise gestion.
D. Conflits d’Intérêts et Atteintes à la Probité
L’élu local, et en particulier le maire, est soumis à une obligation stricte de désintéressement. Il doit poursuivre l’intérêt général à l’exclusion de tout intérêt personnel, direct ou indirect. Il lui est formellement interdit, ainsi qu’à son conjoint et ses ayants-droits, de fournir des biens ou prestations contre rémunération à la Collectivité Territoriale qu’il administre. Cette disposition vise à prévenir les conflits d’intérêts et à garantir l’intégrité de la gestion publique. De même, les membres de l’Exécutif et le Receveur de la Collectivité Territoriale ne peuvent se rendre soumissionnaires ou adjudicataires de contrats avec la commune, sous peine d’annulation par le représentant de l’État. Les fonds dépensés en violation des règles de probité sont imputés à l’ordonnateur.
Le CGCTD renvoie à la législation pénale pour diverses fautes graves. Des faits comme l’utilisation des deniers publics à des fins personnelles, le faux en écriture publique, la concussion ou la corruption peuvent entraîner des sanctions sévères, y compris la déchéance du mandat et l’inéligibilité pour une durée de dix ans. Le droit camerounais est loin d’être muet sur la répression de la corruption. Cependant, la persistance de la corruption à des niveaux élevés indique que les sanctions prévues ne sont pas suffisamment dissuasives ou appliquées. L’impunité perçue encourage la reproduction des « fautes » et affaiblit la confiance des citoyens, qui voient les responsables échapper aux conséquences de leurs actes.
La corruption, particulièrement au niveau local, est un facteur majeur d’érosion de la confiance des citoyens envers les institutions publiques. Elle touche directement les citoyens dans leur quotidien et dans l’accès aux services publics. Cette expérience directe de la mauvaise gouvernance engendre une profonde désillusion et un désengagement civique. Les citoyens peuvent alors percevoir le système comme intrinsèquement injuste, ce qui non seulement entrave la participation démocratique, mais peut aussi alimenter des tensions sociales et politiques.
Le tableau ci-dessous présente les principales infractions liées à la probité et leur cadre légal :
Type d’Infraction
Article CGCTD / Code Pénal
Sanctions Prévues
Organes Compétents pour la Dénonciation/Poursuite
Conflit d’intérêts (intérêt personnel dans les affaires communales)
Art. 145 CGCTD
Annulation des actes, imputation des fonds.
Représentant de l’État, Conseil Municipal.
Fourniture de biens/prestations à la Commune par l’élu ou ses ayants-droits
Art. 145 CGCTD
Annulation des actes, imputation des fonds.
Représentant de l’État, Conseil Municipal.
Utilisation des deniers publics à des fins personnelles ou privées
Art. 237, 406, 488, 490 CGCTD
Imputation des fonds, déchéance, inéligibilité (10 ans), poursuites judiciaires.
Représentant de l’État, Procureur de la République, Chambre des Comptes, CONAC.
Faux en écriture publique authentique
Art. 237, 490 CGCTD (renvoie au Code Pénal)
Déchéance, inéligibilité, peines pénales (emprisonnement, amende).
Procureur de la République.
Concussion ou corruption
Art. 237, 490 CGCTD (renvoie au Code Pénal)
Déchéance, inéligibilité, peines pénales (emprisonnement, amende).
Procureur de la République, CONAC.
Spéculation sur l’affectation ou l’usage des terrains/biens publics, permis de construire/lotir/démolir
Art. 237, 490 CGCTD
Déchéance, inéligibilité, peines pénales.
Procureur de la République.
E. Non-Respect des Obligations de Résidence et de Service
L’obligation de résidence du maire au chef-lieu de la Collectivité Territoriale est une disposition fondamentale du CGCTD. Cette obligation n’est pas une simple formalité administrative ; elle incarne la proximité et l’engagement de l’élu envers sa population. Toute absence doit faire l’objet d’une information préalable au Préfet. Le non-respect de cette obligation, même si elle semble mineure, a un fort impact symbolique. Il véhicule l’image d’un maire distant, peu soucieux des réalités de sa commune, et affaiblit le lien de confiance essentiel à une gouvernance locale efficace.
Les conséquences du non-respect de l’obligation de résidence sont sévères : suspension de la rémunération, suspension des fonctions, voire la destitution par décret présidentiel en cas de persistance de la violation. La décentralisation vise à renforcer la proximité entre les gouvernants et les gouvernés. Le non-respect de cette obligation, même si elle semble mineure, a un fort impact symbolique. Il véhicule l’image d’un maire distant, peu soucieux des réalités de sa commune, et affaiblit le lien de confiance essentiel à une gouvernance locale efficace.
II. Les Menaces sur l’Unité et le Développement du Cameroun : Au-delà de Banka
Les fautes commises au niveau local par des maires comme celui de Banka ne sont pas des incidents isolés ; elles s’inscrivent dans un contexte national et international et ont des répercussions systémiques qui menacent la cohésion et la prospérité du Cameroun.
A. Érosion de la Confiance Citoyenne et Fragilisation des Institutions
La corruption, même à l’échelle d’une commune, alimente la perception générale de la corruption dans le pays. Transparency International a relevé des « préoccupations concernant l’efficacité de la gouvernance dans la gestion des ressources publiques » au Cameroun. Cette observation met en évidence que les défaillances de gouvernance et la corruption au niveau local ne restent pas confinées aux frontières de la commune ; elles se propagent et contribuent à une perception nationale et internationale négative de la gouvernance. Cette « contagion de la méfiance » affaiblit l’État dans son ensemble. La confiance citoyenne est un capital essentiel pour la stabilité d’un État. Lorsque la corruption est perçue comme endémique au niveau local, elle détruit la confiance des citoyens dans le système politique et administratif dans son ensemble. Cette méfiance généralisée peut entraîner un désengagement civique, une baisse de la participation électorale et une acceptation tacite de la corruption, ce qui affaiblit les fondements démocratiques et la légitimité des institutions nationales.
La perception d’une corruption élevée érode la confiance des citoyens dans leurs leaders et institutions, entraînant un désengagement du processus politique et une diminution de la participation civique. Cela crée un « cercle vicieux où la diminution de la confiance publique entraîne une baisse des niveaux d’engagement civique, ce qui exacerbe encore le problème de la corruption ». Ce désengagement peut se manifester par une faible participation aux élections locales, une indifférence aux affaires communales, et un sentiment d’impuissance face aux abus. À terme, cela fragilise la légitimité des institutions locales et nationales, rendant plus difficile la mise en œuvre des politiques publiques et la mobilisation des citoyens pour le développement.
B. Impact sur le Développement Local et National
Les « fautes » de gestion, notamment budgétaires (non-respect des ratios, irrégularités dans les marchés publics), conduisent au détournement ou à la mauvaise utilisation des fonds publics. Ces fonds sont pourtant destinés au financement des compétences transférées pour le développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif. Cela se traduit par des services publics de base insuffisants ou de mauvaise qualité. Le non-respect des règles budgétaires et la corruption locale ont un coût direct et mesurable sur le développement, en détournant les ressources des investissements productifs et des services essentiels. Les fonds alloués aux collectivités territoriales via la décentralisation sont censés stimuler le développement local. Cependant, lorsque ces fonds sont mal gérés ou détournés, ils ne remplissent pas leur objectif, entraînant un sous-développement chronique des infrastructures et des services. Cela non seulement pénalise directement les populations, mais freine également la croissance économique nationale en rendant le pays moins attractif pour les investissements.
La corruption et l’inefficacité administrative augmentent les « coûts de transaction et l’incertitude » pour les investisseurs. Les rapports internationaux indiquent que ces facteurs « freinent l’investissement » et « diminuent la confiance des investisseurs », même si le Cameroun a un potentiel économique. Le Cameroun a des ambitions d’émergence. Cependant, la persistance des problèmes de gouvernance, y compris au niveau local, constitue un obstacle majeur à cette ambition. Les « fautes » d’un maire, si elles sont généralisées, contribuent à un environnement qui ne favorise pas la croissance durable et inclusive nécessaire pour atteindre ces objectifs.
C. Conséquences sur la Réputation Internationale du Cameroun
Le Cameroun est régulièrement classé parmi les pays les plus corrompus par Transparency International (140e sur 180 en 2024 avec un score de 26/100, en régression d’un point par rapport à 2023). Cette image est directement liée à la perception de la gouvernance publique, y compris au niveau local. La réputation internationale du Cameroun est un reflet direct de la qualité de sa gouvernance à tous les niveaux, y compris local. Les « fautes » d’un maire, si elles sont généralisées, contribuent à une image négative qui a des conséquences tangibles. Les classements internationaux de corruption ne sont pas de simples statistiques ; ils influencent la perception des investisseurs et des partenaires. Des problèmes de gouvernance au niveau local, comme ceux illustrés par Banka, s’additionnent pour créer une image nationale de corruption et d’inefficacité. Cette image peut entraîner des conséquences économiques (baisse des IED) et diplomatiques (sanctions, conditionnalités des aides), affectant la capacité du Cameroun à mobiliser des ressources pour son développement.
Le Cameroun a ratifié des instruments internationaux majeurs comme la Convention des Nations Unies contre la Corruption (UNCAC) en 2006 et la Convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la Lutte contre la Corruption (AUCPCC) en 2020. Ces conventions imposent des obligations de transparence, de bonne gestion des finances publiques et de criminalisation de la corruption. Le non-respect des principes de bonne gouvernance et de transparence au niveau local met en péril la crédibilité du Cameroun vis-à-vis de ses engagements internationaux en matière de lutte contre la corruption. En ratifiant des conventions internationales , le Cameroun s’engage à des standards de gouvernance. Si les pratiques locales contredisent ces engagements (par exemple, en matière de transparence des marchés publics), cela peut être perçu comme un manque de volonté politique ou d’incapacité à appliquer les lois. Cela fragilise la position du Cameroun sur la scène internationale et peut entraîner des pressions ou des mesures de non-conformité.
Le tableau ci-dessous illustre l’impact de la gouvernance locale sur la réputation internationale du Cameroun :
Indicateur International
Score/Statut du Cameroun
Lien avec la Gouvernance Locale
Conséquences
Indice de Perception de la Corruption (CPI)
140e/180, Score 26/100 (2024)
Perception de la corruption à la base, opacité de la gestion locale.
Baisse de l’investissement direct étranger (IED) , perte de confiance des partenaires.
Convention des Nations Unies contre la Corruption (UNCAC)
Ratifiée en 2006
Non-application des principes de transparence et de bonne gouvernance locale (Art. 9 UNCAC).
Remise en cause de l’engagement du Cameroun, pressions internationales, risque de sanctions.
Convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la Lutte contre la Corruption (AUCPCC)
Ratifiée en 2020
Manquements à la transparence des finances publiques locales (Art. 2, 5 AUCPCC).
Affaiblissement de la crédibilité régionale, entrave à la coopération continentale.
Conditionnalités FMI/Banque Mondiale
Programmes de soutien avec conditionnalités de gouvernance
Faiblesse de la gestion des finances publiques locales, utilisation de procédures exceptionnelles.
Retards dans les décaissements de fonds, exigences de réformes plus strictes.
D. Le Risque d’Impunité et l’Urgence d’une Réaction Ferme
Malgré l’existence d’organes comme la Commission Nationale Anti-Corruption (CONAC) et la Chambre des Comptes , et des procédures de dénonciation , la persistance de la corruption et des manquements suggère une faiblesse dans l’application effective des sanctions prévues par le CGCTD (suspension, révocation, déchéance, inéligibilité) et le Code Pénal. Le Cameroun dispose d’un arsenal juridique et institutionnel pour lutter contre la corruption. Pourtant, l’impunité reste une réalité, ce qui suggère une défaillance dans la chaîne de l’application de la loi. L’existence de lois et d’organes de contrôle est une condition nécessaire mais non suffisante. Si les « fautes » d’un maire ne sont pas sanctionnées de manière exemplaire, cela envoie un signal d’impunité qui encourage d’autres élus à agir de même. Le risque est que la loi devienne une lettre morte, minant la confiance dans le système judiciaire et administratif, et créant un sentiment d’injustice qui peut déstabiliser la société.
La corruption et l’impunité « sapent la confiance des citoyens » et peuvent « semer les graines du conflit en dissolvant tout lien de loyauté entre les gens et un État apparemment capturé par des intérêts privés ». Cela peut exacerber les tensions sociales et régionales, menaçant l’unité nationale. La corruption n’est pas seulement un problème économique ; c’est une menace pour la paix et la sécurité. En privant les populations des services essentiels et en créant un sentiment d’injustice, elle peut exacerber les frustrations et les divisions. Les « fautes » d’un maire, si elles sont perçues comme impunies, peuvent alimenter le ressentiment et fragiliser le contrat social, menaçant l’unité nationale et la stabilité du Cameroun.
III. Appel à l’Action : Pour une Décentralisation Responsable et un Cameroun Prospère
Face à ces « fautes » et « menaces », une réaction énergique et concertée est impérative. Il ne s’agit pas de condamner la décentralisation, mais de la sauver de ceux qui la trahissent, pour qu’elle puisse enfin tenir sa promesse de développement et de bonne gouvernance.
A. Renforcer les Mécanismes de Contrôle et de Sanction
Le Préfet, en tant que représentant de l’État dans la Commune, et le Ministère de la Décentralisation et du Développement Local (MINDDEVEL), en tant que ministère de tutelle, doivent exercer pleinement leurs pouvoirs de contrôle de légalité et d’appui-conseil. Cela inclut la notification des illégalités, le recours aux juridictions administratives, et la substitution en cas de carence du maire. La tutelle de l’État, bien que prévue par la loi , doit passer d’un rôle principalement réactif à une posture proactive, combinant le contrôle de légalité avec un appui-conseil renforcé pour prévenir les défaillances. Pour être efficace, cette tutelle ne doit pas se limiter à la simple constatation des illégalités ex post. Elle doit inclure un accompagnement technique et administratif pour renforcer les capacités des maires et prévenir les fautes, tout en assurant une application rigoureuse des sanctions lorsque les manquements sont avérés.
La Chambre des Comptes et le Procureur de la République doivent être systématiquement saisis en cas de fautes de gestion, de détournement de fonds publics ou d’atteintes à la probité. L’efficacité des sanctions dépend de l’indépendance et de la diligence des organes de contrôle et des juridictions. Les lois pénales et financières sont claires sur les infractions. Cependant, pour que ces lois soient dissuasives, la chaîne de dénonciation, d’enquête et de jugement doit fonctionner sans entrave. Cela implique de garantir l’indépendance de la justice et des organes de contrôle (Chambre des Comptes, CONAC) pour qu’ils puissent agir sans pression politique, assurant ainsi que l’impunité ne soit plus une option.
B. Promouvoir la Participation Citoyenne et la Transparence
Il est crucial de rendre effectif le droit des citoyens à demander communication et copie des documents municipaux. Cela implique des efforts de publication proactive (sites web, affichage) et la simplification des procédures d’accès. La pleine application des droits à l’information et à la participation citoyenne est le moyen le plus efficace de prévenir la corruption et d’assurer la redevabilité. La transparence n’est pas une option ; c’est une obligation légale et un pilier de la bonne gouvernance. En rendant les informations accessibles et en facilitant la participation citoyenne, on crée un environnement où la mauvaise gestion est plus difficile à dissimuler. Les citoyens informés et engagés deviennent les premiers acteurs du contrôle de leurs élus, renforçant la redevabilité et la légitimité des actions municipales.
Les associations et organisations de la société civile locales concourent à la réalisation des objectifs des Collectivités Territoriales. Elles doivent être encouragées et soutenues dans leur rôle de veille et de plaidoyer pour la bonne gouvernance. Leur rôle est essentiel pour mobiliser les citoyens et faire remonter les informations sur les défaillances.
C. Exiger la Redevabilité des Élus Locaux
Les dispositions relatives à la suspension, la révocation et la déchéance des maires pour faute lourde ou atteinte à la fortune publique doivent être appliquées sans complaisance. La confiance des citoyens se regagne par la démonstration concrète que les élus sont redevables de leurs actes et que les fautes sont sanctionnées. Pour restaurer la confiance citoyenne , il ne suffit pas d’avoir des lois ; il faut que ces lois soient appliquées. La redevabilité des élus locaux, par l’application rigoureuse des sanctions prévues , envoie un message clair : la mauvaise gestion et la corruption ne seront pas tolérées. Cela renforce la crédibilité des institutions et encourage les élus à agir dans l’intérêt général.
Il est essentiel de rappeler et de faire respecter les obligations de désintéressement, d’impartialité et de probité des élus locaux. Des campagnes de sensibilisation et des formations continues sur l’éthique et la déontologie des élus peuvent contribuer à prévenir les manquements.
Conclusion : L’Urgence d’une Gouvernance Locale Intègre pour un Cameroun Uni et Fort
La commune de Banka, par les « fautes » de son maire, symbolise les défis profonds auxquels la décentralisation camerounaise est confrontée. Ces manquements locaux, qu’ils soient liés à la transparence, à la gestion budgétaire, au respect des institutions démocratiques ou à la probité, ne sont pas des problèmes isolés. Ils se transforment en de véritables « menaces » nationales : érosion de la confiance citoyenne, entrave au développement, dégradation de la réputation internationale et risque d’impunité, sapant ainsi les fondements de l’unité et de la prospérité du Cameroun. La corruption n’est pas seulement un problème économique ; c’est une menace pour la paix et la sécurité. En privant les populations des services essentiels et en créant un sentiment d’injustice, elle peut exacerber les frustrations et les divisions. Les « fautes » d’un maire, si elles sont perçues comme impunies, peuvent alimenter le ressentiment et fragiliser le contrat social, menaçant l’unité nationale et la stabilité du Cameroun.
Il est impératif que l’État, les élus locaux et la société civile s’engagent dans une action résolue pour renforcer les mécanismes de contrôle, promouvoir une transparence effective et exiger une redevabilité sans faille. L’avenir du Cameroun, unitaire et prospère, dépend intrinsèquement de la capacité de ses collectivités territoriales à incarner les principes de bonne gouvernance. C’est à ce prix que la décentralisation passera de promesse à réalité, pour le bien de tous les Camerounais.