Par Joël Tchassom
Chers concitoyens,
C’est avec une indignation mêlée de consternation que nous sommes témoins, à Banka, d’une dérive inacceptable qui jette une ombre épaisse sur les fondements mêmes de notre démocratie et de la bonne gouvernance. Ce 6 juillet 2025, le lancement de la 3ème édition du tournoi de vacances « Tchoula Motho Forever », sous la présidence du Maire de la Commune de Banka, a révélé au grand jour une instrumentalisation choquante des fonds publics et des institutions de l’État à des fins partisanes.
Annoncé comme une initiative communale, soutenue par le conseil municipal, cet événement sportif, financé par une ligne budgétaire de la mairie à hauteur d’environ 8 millions de francs CFA – argent du contribuable, faut-il le rappeler –, s’est transformé en une tribune ostentatoire pour le Mouvement pour le changement (MPC). Les badges des organisateurs et les visuels de l’événement arboraient sans vergogne le logo du MPC, tandis que de nombreux acteurs communaux étaient parés des couleurs de ce parti.
Comment, en effet, comprendre cette intrusion flagrante du politique partisan dans la sphère publique ? La mairie, institution décentralisée et bras séculier de l’État au service de tous les citoyens, sans distinction d’appartenance politique, est censée incarner la neutralité et l’impartialité. Ses fonds sont sacrés et doivent être exclusivement dédiés à la promotion de l’intérêt général, au développement local, et non à l’avancement d’une agenda politique personnel ou d’un groupement.
La loi camerounaise, dans sa sagesse et sa rigueur, est pourtant claire. Le Code de Transparence et de Bonne Gouvernance dans la gestion des Finances Publiques (Loi N° 2018/011 du 11 juillet 2018) érige en principe cardinal la bonne gestion, la redevabilité et la non-confusion entre les deniers de l’État et les intérêts privés ou partisans. Utiliser une enveloppe budgétaire de 8 millions, destinée à une activité d’intérêt public, pour faire de la propagande politique, c’est non seulement violer l’esprit de cette loi, mais aussi en piétiner la lettre. C’est faire preuve d’une insincérité budgétaire répréhensible et d’une atteinte flagrante à l’intégrité.
De surcroît, le Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées (Loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019) confère aux communes une autonomie, certes, mais celle-ci est encadrée par le respect de l’intérêt général et l’observance stricte de l’impartialité. Le Maire, gardien de cette institution, se doit d’être un serviteur du peuple, non un agent de son parti. Confondre les deux rôles, c’est trahir le mandat qui lui a été confié par les urnes.
Plus grave encore, les pratiques dénoncées ici s’apparentent dangereusement à des infractions prévues par notre Code Pénal. Le détournement de deniers publics (Article 184) est un crime lourdement sanctionné, et l’utilisation des fonds d’une mairie pour des activités partisanes en est une illustration parfaite. L’abus de fonction et le trafic d’influence sont également des qualifications possibles, lorsque la position d’élu est utilisée pour des bénéfices politiques indus, comme la promotion d’une adhésion massive via les services de la mairie elle-même, tel que des communiqués antérieurs du MPC l’avaient déjà révélé.
Cette situation n’est pas un incident isolé, mais le symptôme d’une pathologie plus profonde : celle d’une gouvernance locale qui s’affranchit des règles de l’éthique et de la déontologie. Elle soulève des questions fondamentales sur l’intégrité de nos élus et sur l’efficacité des mécanismes de contrôle.
Nous, citoyens de Banka et du Cameroun, ne pouvons tolérer que nos impôts, fruits de notre labeur, soient dilapidés ou détournés pour servir des ambitions politiques personnelles. Nous exigeons la lumière sur cette affaire. Il est impératif que les autorités compétentes, les organes de contrôle et de régulation, s’autosaisissent de ce dossier. Une enquête approfondie doit être diligentée pour établir les responsabilités et appliquer les sanctions prévues par la loi.
Le respect de la loi, la transparence et la probité dans la gestion des affaires publiques ne sont pas des options ; ce sont les piliers sur lesquels doit reposer toute société qui aspire au progrès et à la justice. Sans cela, la confiance des citoyens envers leurs institutions s’effrite, ouvrant la voie à toutes les dérives.
Il est temps de rappeler à chacun, et particulièrement à nos édiles, que la fonction publique est un service, et non un tremplin pour des ambitions partisanes. La commune de Banka mérite une gestion irréprochable, au service de tous ses enfants.